Personnel pénitentiaire : L’interdiction du droit de grève sans garanties disciplinaires jugée inconstitutionnelle

Conseil constitutionnel

La privation du bénéfice des garanties disciplinaires en cas d’irrespect de l’interdiction du droit de grève par les agents de l’administration pénitentiaire méconnaît le « principe du contradictoire » et est déclarée contraire à la Constitution.

L'article 3 de l'ordonnance du 6 août 1958 relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire (rédaction loi n° 92-125 du 6 février 1992) dispose en effet que « toute cessation concertée du service, tout acte collectif d'indiscipline caractérisée de la part des personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire est interdit. Ces faits, lorsqu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public, pourront être sanctionnés en dehors des garanties disciplinaires » et il était soutenu que ces dispositions, d’une part, méconnaissaient les droits de la défense en ce qu'elles privent l'agent des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, poursuivi à titre disciplinaire pour avoir enfreint l'interdiction du droit de grève, du bénéfice des garanties disciplinaires et, d’autre part, portaient atteinte au principe de légalité des délits et des peines.

L'agent des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire qui prend part à une cessation concertée du service ou à tout acte collectif d'indiscipline caractérisée peut, relève le ConseilCons. const., 10 mai 2019, n° 2019-781 QPC, Grégory M., « lorsque ces faits sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public », être sanctionné disciplinairement mais, en prévoyant que cette sanction peut être prononcée « en dehors des garanties disciplinaires », le législateur a méconnu, juge le Conseil, « le principe du contradictoire » et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, la seconde phrase de l'article 3 de l'ordonnance du 6 août 1958 est déclarée contraire à la Constitution.

Aucun motif ne justifie, selon le Conseil, de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité qui intervient donc à compter de la date de publication de la décision et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

En fondant sa décision sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le Conseil constitutionnel ne revient, selon la ministre de la justice Nicole Belloubet, « ni sur l'interdiction du droit de grève pour les personnels de surveillance, ni sur le principe du prononcé de sanctions disciplinaires contre les agents qui cessent leur service de manière concertée », seul le fait que les sanctions étaient prononcées, comme le prévoyaient les textes depuis 1958, sans débat contradictoire est critiqué.

Le ministère de la justice va tenir compte de cette décision, assure le communiqué, en mettant en place « une procédure disciplinaire adaptée » en cas de cessation concertée du travail qui permette d’assurer la continuité du service public pénitentiaire, indispensable à la sécurité des Français et au respect des droits des détenus.