Procès équitable : Le principe d’impartialité ne s’applique pas à l’Agence nationale de l’habitat

Sollicité par la cour administrative d’appel de Nancy, le Conseil d’État est d’avis que les décisions des organes décisionnels de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), qui peuvent faire l’objet d’un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative, ne peuvent être « regardés comme [rendues par] un tribunal » au sens des dispositions de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
En l’espèce, sur appel d’une décision d’un tribunal administratif
Les dispositions des articles R. 321-21 et R. 321-6-3 du code de la construction et de l’habitation confient au conseil d’administration de l’ANAH ou, par délégation, à son directeur général tant l’engagement de la procédure de sanction contre le bénéficiaire d’une aide ou le signataire d’une convention que la décision relative à la sanction, relève le Conseil d’État
Bien que les poursuites engagées par l’ANAH en vue d’infliger des sanctions financières sur le fondement de l’article L. 321-1 du code de la construction et de l’habitat sont « des accusations en matière pénale, au sens de l’article 6 de la Convention européenne », admet la Haute juridiction administrative, il n’en demeure pas moins que l’ANAH n’a pas à respecter, explique-t-elle, les dispositions de cet article en mettant en avant deux motifs. D’une part, le conseil d’administration de l’ANAH et son directeur général ne peuvent être « regardés comme au tribunal » et, d’autre part, la décision de sanction peut faire l’objet d’un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative. Le premier motif ne convainc guère et il faudra sans doute attendre que la question soit posée à la Cour européenne elle-même pour être totalement fixés sur la pertinence de ce mélange des genres.
De même, examinant la question sous l’angle du respect du principe d’impartialité tel qu’il résulte du droit interne, le Conseil d’État n’est guère plus convaincant en retenant que « le principe d’impartialité […] n’impose pas qu’il soit procédé, au sein de l’ANAH, à une séparation des fonctions de poursuite et de sanction » aux motifs qu’elle n’est pas une « autorité administrative ou publique indépendante mais un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle de l’État » et que les organes collégiaux qui interviennent dans la procédure ne peuvent « raisonnablement donner à penser à la personne poursuivie qu’ils ont un fonctionnement de type juridictionnel, qu’il s’agisse de la commission des recours, qui n’a qu’un rôle consultatif, ou du conseil d’administration […] ».
Compte tenu de la soumission de l’établissement à la tutelle de l’État et de l’absence d’apparence de fonctionnement juridictionnel de ses organes, le principe d’impartialité ne fait donc pas, selon le Conseil d’État, « obstacle à ce que le directeur général de l’ANAH puisse à la fois, par délégation […], prendre l’initiative des poursuites et exercer le pouvoir de sanction, et présider en outre la commission consultative des recours [… ni à ce qu’il] assiste avec voix consultative aux séances du conseil d’administration […], y compris lorsque ce dernier prend une décision de sanction ».