Recours effectif : Le délai imparti à un détenu pour contester une OQTF est trop court

Les dispositions relatives à la contestation par un étranger détenu d’une obligation de quitter le territoire français n’opèrent pas une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l’objectif poursuivi par le législateur, a jugé le Conseil constitutionnel à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par un détenu et plusieurs associations.
Le paragraphe III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (rédaction loi n° 2016-274du 7 mars 2016) détermine la procédure et les délais applicables en cas de contestation par un étranger de l'obligation de quitter le territoire français notifiée en même temps que son placement en rétention ou son assignation à résidence et le paragraphe IV de cet article dispose que « lorsque l'étranger est en détention, il est statué sur son recours selon la procédure et dans les délais prévus au III. Dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète ainsi que d'un conseil ».
Il était soutenu que ce paragraphe IV de l'article précité méconnaît les exigences résultant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 car les délais impartis à un étranger détenu pour exercer son recours à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français et ceux impartis au juge pour statuer sur cette contestation sont, au regard des conditions particulières de la détention, « trop courts pour garantir le caractère effectif du recours et l'exercice des droits de la défense » et le législateur n'aurait par ailleurs pas prévu de garanties suffisantes de nature à assurer à l'étranger en détention un accès effectif à un interprète et à un avocat dans ces délais.
Les dispositions contestées prévoient que lorsqu'un étranger se voit notifier une obligation de quitter le territoire français en même temps que son placement en rétention administrative ou son assignation à résidence, il peut demander l'annulation de cette obligation dans un délai de 48 heures à compter de sa notification et le juge administratif doit statuer au plus tard 72 heures à compter de sa saisine. Le paragraphe IV applique ces délais à l'étranger en détention auquel a été notifiée une obligation de quitter le territoire français.
Un délai maximum de cinq jours entre la notification d'une obligation de quitter le territoire à un étranger détenu et le moment où le juge administratif se prononce sur la légalité de cette mesure s'il en est saisi constitue, estime le Conseil
L’administration peut, poursuit le Conseil, procéder à cette notification suffisamment tôt au cours de l'incarcération tout en reportant son exécution à la fin de celle-ci, il n’est donc pas nécessaire d’enserrer dans un délai maximal de cinq jours le temps global imparti à l'étranger détenu afin de former son recours et au juge afin de statuer sur celui-ci. Ces dispositions, qui s'appliquent quelle que soit la durée de la détention, n'opèrent pas « une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l'objectif poursuivi par le législateur d'éviter le placement de l'étranger en rétention administrative à l'issue de sa détention » et les mots « et dans les délais » figurant à la première phrase du paragraphe IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont déclarés contraires à la Constitution.
Aucun motif ne justifie, selon le Conseil, de reporter les effets de cette déclaration d'inconstitutionnalité qui est dès lors applicable à toutes les instances non jugées définitivement à la date de publication de la décision.