Démarchage : Publication du décret officialisant la « sollicitation personnalisée »

Avant, à l'instar des péripatéticiennes, l'avocat campait dans son cabinet et attendait que le chaland veuille bien l'appeler ou venir à lui pour lui prodiguer ses meilleurs soins à ses peines et souffrances. Mais ça, « c'était avant ! », comme dirait la pub.

Depuis un arrêt d'avril 2011 de la Cour de justice de l'Union européenneCJUE, gde ch., 5 avr. 2011, n° C-119/09, Société fiduciaire nationale d'expertise comptable (Fiducial) c/ ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique. considérant que l'interdiction totale faite aux membres d'une profession réglementée d'effectuer des actes de démarchage n'est pas compatible avec le droit de l'Union, le gouvernement — et la profession — ont bien dû se résoudre à supprimer l'interdiction de démarchage qui — officiellement — existait en France au grand dam de certains avocats traditionalistes pour qui cette ouverture au démarchage n'est pas compatible avec les principes essentiels de la profession.

En effet, on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre et les bars des grands hôtels et palaces parisiens ont toujours été le terrain de chasse privilégié des avocats pour recruter le gros poisson qui ne demande d'ailleurs qu'à être harponné, souvent contre une petite voire une grosse rétrocommission mais ce ne sont pas ces pratiques fort anciennes qui vont être légalisées mais quelque chose de beaucoup plus soft accessible aux petits et grands cabinets d'avocats.

L'avocat a ainsi été autorisé à recourir, dans des conditions qui devaient être fixées par décret en Conseil d'État, « à la publicité ainsi qu'à la sollicitation personnalisée » par l'article 13 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. Le Conseil national des barreaux (CNB) a récemment réécritDécision du 13 novembre 2014 du conseil national des barreaux à caractère normatif n° 2014-001 portant modification des dispositions de l'article 10 du règlement intérieur national (R.I.N.) de la profession d'avocat, adoptée par l'assemblée générale des 10 et 11 octobre 2014, J.O., n° 281, 5 déc. 2014, p. 20294, n° 24. l'article 10 du règlement intérieur de la profession relatif à la publicité selon lequel dorénavant :

« La publicité et la sollicitation personnalisée sont permises à l’avocat si elles procurent une information sincère sur la nature des prestations de services proposées et si leur mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession. 
La sollicitation personnalisée prend la forme d’un message exclusif de toute démarche physique ou téléphonique. Sont exclus les messages textuels envoyés sur un terminal téléphonique mobile.
Il est interdit à l’avocat d’utiliser les services d’un tiers dans le but de contourner ces interdictions.
La sollicitation personnalisée précise les modalités de détermination du coût de la prestation laquelle fera l’objet d’une convention d’honoraires »
.

Officiellement, le démarchage des avocats ne pourra donc être qu'« une sollicitation personnalisée » écrite, le décretDécret n° 2014-1251 du 28 octobre 2014 relatif aux modes de communication des avocats, J.O., n° 251, 29 oct. 2014, p. 17894, n° 27. publié ce matin au Journal officiel, qui modifie l'article 15 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, reprend pour l'essentiel les termes de cette décision du CNB :

« La publicité et la sollicitation personnalisée sont permises à l'avocat si elles procurent une information sincère sur la nature des prestations de services proposées et si leur mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession. Elles excluent tout élément comparatif ou dénigrant.
[...]
La sollicitation personnalisée prend la forme d'un envoi postal ou d'un courrier électronique adressé au destinataire de l'offre de service, à l'exclusion de tout message textuel envoyé sur un terminal téléphonique mobile. Elle précise les modalités de détermination du coût de la prestation, laquelle fera l'objet d'une convention d'honoraires »
.

Des limites et des exclusions dont certains n'avaient et n'auront cure.

« Ce n'est pas une révolution, la France ne fait que s'inscrire dans le sens de la jurisprudence européenne », a confié le bâtonnier de Paris Pierre-Olivier Sur à l'AFP. La limite au démarchage sauvage, explique-t-il, « sera la déontologie de notre profession qui requiert du tact, de la mesure et pourquoi pas de l'élégance dans le message. Il s'agira de proposer une offre de droit, pas de tenter des captations de marché par des offres agressives ».