Gestation pour autrui : Le Conseil d'État approuve la circulaire incitant à délivrer des certificats de nationalité

Le Conseil d’État a rejeté les requêtes contre la circulaire de la garde des sceaux, Christiane Taubira, incitant à que soient accordés des certificats de nationalité française aux enfants nés à l’étranger par gestation pour autrui (GPA).

La circulaire du 25 janvier 2013 de la garde des sceaux vise la délivrance de certificats de nationalité française aux enfants nés à l’étranger de parents français « lorsqu’il apparaît, avec suffisamment de vraisemblance qu’il a été fait recours à une convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui ». Elle indique qu'en pareille occurrence, cette circonstance« ne peut suffire à opposer un refus aux demandes de certificats de nationalité française » et invite ses destinataires (parquet, parquet général et greffiers des tribunaux d'instance de France et d'outre-mer) à veiller à ce qu’il soit fait droit aux demandes de délivrance lorsque les conditions légales sont remplies.

Le Conseil d’État a été saisi de plusieurs requêtes en annulation à l'encontre de cette circulaire émanant de cinq associations et de quelques dizaines de personnes physiques.

Liminairement, la Haute juridiction administrativeCE, 2e et 7e ss-sect., 12 déc. 2014, n° 367324, 366989, 366710, 365779, 367317, 368861, association Juristes pour l'enfance, fédération des familles de l'Ain, association familiale catholique de l'Auxerrois, syndicat national Force ouvrière des magistrats, association Avenir de la culture, et a. c/ ministère de la justice. rappelle que les contrats de gestation ou de procréation pour autrui sont interdits par le code civil et que cette interdiction est d’ordre public mais la seule circonstance qu'un enfant soit né à l’étranger dans le cadre d'un tel contrat, même s'il est nul et non avenu au regard du droit français, ne peut conduire à priver cet enfant de la nationalité française. Cet enfant y a droit, dès lors que sa filiation avec un Français est légalement établie à l’étranger, en vertu de l’article 18 du code civil et sous le contrôle de l’autorité judiciaire. Le refus de reconnaître la nationalité française porterait par ailleurs, comme l'a rappelé récemment la Cour européenne des droits de l'hommeCEDH, 26 juin 2014, n° 65192/11, Mennesson c/ France ; n° 65941/11, Labassee c/ France., une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée de l’enfant qui est garantie par la Convention.

La juridiction administrative n’est pas compétente pour connaître des questions de filiation et de nationalité qui relèvent des juridictions judiciaires mais, en revanche, les requêtes tendant à l’annulation de circulaires ministérielles relèvent de sa compétence.

Pour rejeter les requêtes, le Conseil d’État considère que, contrairement à ce que soutenaient les requérants, la circulaire attaquée n’est pas illégale en ce qu’elle expose simplement que le seul soupçon de recours à une convention de gestation ou de procréation pour autrui ne peut suffire à opposer un refus à une demande de certificat de nationalité dès lors que les actes d’état civil local qui attestent du lien de filiation avec un Français peuvent être regardés, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, comme probants au sens de l’article 47 du code civil.

Mme Taubira se réjouie, dans un communiqué diffusé en fin de soirée, de cette décision qui valide sa circulaire et va permettre aux enfants concernés d'obtenir un certificat attestant de leur nationalité française dès lors qu'ils sont nés d'un parent français et qu'ils disposent d'un acte d'état civil étranger probant. « Cette décision est l'expression d'un juste équilibre entre le principe d'ordre public interdisant la gestation pour autrui et la nécessaire protection qu'il convient de garantir à l'enfant au nom de son intérêt supérieur », ajoute-t-elle en précisant qu'il ne s'agit ni d'une « reconnaissance de la gestion pour autrui ni [d']une remise en cause de l'interdiction de la GPA en France » mais simplement de la « nécessité de distinguer le sort des enfants de celui de leurs parents et ainsi de leur garantir, sur le territoire national, le droit au respect de leur identité, dont la nationalité française constitue un aspect essentiel ».