Officiers publics : Le droit de présentation des notaires n'est pas contraire à la Constitution

Le droit des notaires de présenter leur successeur à l'agrément du garde des sceaux ne méconnaît pas le principe d'égal accès aux dignités, places et emplois publics, a jugé le Conseil constitutionnel dans une décision rendue hier à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur le mot « notaires » figurant dans la première phrase du premier alinéa de l'article 91 de la loi du 28 avril 1816.

Cet article dispose en effet que « les avocats à la cour de cassation, notaires, greffiers, huissiers, courtiers, commissaires-priseurs [peuvent] présenter à l'agrément de Sa Majesté des successeurs, pourvu qu'ils réunissent les qualités exigées par les lois [...] » et il était donc soutenu qu'exerçant une fonction qui est au nombre des « dignités, places et emplois publics » au sens de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, cette possibilité pour les notaires de présenter leur successeur à l'agrément du garde des sceaux méconnaissait le principe d'égale admissibilité aux« dignités, places et emplois publics » ainsi qu'au principe d'égalité devant la commande publique garanti par les articles 6 et 14 de la Déclaration de 1789.

Après avoir appelé que selon l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, « les notaires sont les officiers publics, établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions » et que l'article 1er bis de cette même ordonnance précise que la profession de notaire peut être exercée « soit à titre individuel, soit dans le cadre d'une société civile professionnelle ou d'une société d'exercice libéral, soit en qualité de salarié d'une personne physique ou morale titulaire d'un office notarial », le Conseil constitutionnelCons. constit., 21 nov. 2014; n° 2014-429 QPC, Pierre Thiollet, J.O., n° 271, 23 nov. 2014, p. 19677, n° 30.  en déduit que les notaires exercent une profession réglementée dans un cadre libéral au sens du paragraphe I de l'article 29 de la loi du 22 mars 2012. 

Ce faisant, s'ils participent à l'exercice de l'autorité publique et ont ainsi la qualité d'officier public nommé par le garde des sceaux, considèrent les Sages de la rue de Montpensier, les notaires titulaires d'un office n'occupent pas des« dignités, places et emplois publics » au sens de l'article 6 de la Déclaration de 1789 et le grief tiré de ce que le droit reconnu au notaire de présenter son successeur à l'agrément du garde des sceaux méconnaîtrait le principe d'égal accès aux dignités, places et emplois publics est donc « inopérant »

La nomination d'un notaire ne constituant pas une commande publique, poursuit le Conseil, le second grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la commande publique est également « inopérant » et le mot« notaires » qui figure dans la première phrase du premier alinéa de l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 n'est donc pas contraire à la Constitution.

La garde des sceaux, Christiane Taubira, s'est réjouie de cette décision confortant la position du gouvernement selon laquelle la profession de notaire, à l'instar des autres professions réglementées du droit, « n’était ni une dignité, place ou emploi public, ni un contrat de commande publique » tout en réaffirmant « solennellement que la profession de notaire participe à l’autorité publique, ce qui justifie le fait qu’elle soit soumise à une réglementation spécifique ». Le gouvernement travaille actuellement, rappelle Mme Taubira, à une réforme d’ampleur des professions réglementées, qui vise notamment à en ouvrir d’avantage l’accès mais il n’est toutefois pas pertinent « de remettre en cause le droit de présentation ».