Prestation compensatoire : Prise en compte des sommes perçues au titre d'un accident ou d'un handicap

Le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution l'article 272 du code civil qui ne permet pas au juge de prendre « en considération les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et les sommes versées au titre du droit à compensation d'un handicap » pour la fixation de la prestation compensatoire lors du prononcé du divorce.

Les dispositions litigieuses, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, excluent effectivement du calcul de la prestation compensatoire les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et du droit à compensation d'un handicap mais non les sommes versées au titre des pensions militaires d'invaliditéCiv. 1re, 9 nov. 2011, n° 10-15381, Bull. civ. I, n° 197. et l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soutenait donc qu'il y avait violation du principe d'égalité devant la loi. Le ConseilCons. constit., 2 juin 2014, n° 2014-398 QPC, Alain D. a en outre soulevé d'office le grief tiré de ce que « en interdisant à la juridiction de prendre en considération, pour le calcul de la prestation compensatoire, les sommes versées au titre de la réparation d'un accident ou de la compensation d'un handicap, alors que l'article 271 du code civil fait obligation à cette même juridiction de prendre en considération l'état de santé des époux, les dispositions contestées porteraient atteinte à l'égalité des époux devant la loi »

L'article 270 du code civil, rappellent les Sages, a pour objet « de compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux » et selon l'article 271, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible, en tenant compte notamment de « la durée du mariage, de l'âge et l'état de santé des époux, de leur qualification et leur situation professionnelles, des conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, de leurs droits existants et prévisibles et de leur situation respective en matière de pensions de retraite ».

Pour le Conseil, le législateur a entendu impartir au juge « de tenir compte, au cas par cas, de la situation globale de chacun des époux, au regard notamment de leurs ressources, de leur patrimoine, de leur état de santé et de leurs conditions de vie respectifs » et les dispositions du second alinéa de l'article 272 du code civil qui interdisent au juge de prendre en considération, dans la détermination des besoins et des ressources des époux, les sommes versées à l'un d'eux au titre de la réparation d'un accident du travail ou au titre de la compensation d'un handicap sont dès lors contraires à la Constitution puisqu'elles excluent des éléments retenus pour le calcul de la prestation compensatoire les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail qui « compensent, au moins en partie, une perte de revenu » alors que toutes les autres prestations, est-il souligné, « sont prises en considération dès lors qu'elles assurent un revenu de substitution ».

Et en excluant la prise en considération des sommes versées au titre de la compensation du handicap dans la détermination des besoins et ressources, les dispositions contestées ont pour effet d'empêcher le juge « d'apprécier l'ensemble des besoins des époux, et notamment des charges liées à leur état de santé », jugent les Sages pour déclarer ces dispositions inconstitutionnelles.

Cette abrogation prend effet à compter de la publication de la décision et elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date mais les prestations compensatoires fixées par des décisions définitives en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être remises en cause sur le fondement de cette inconstitutionnalité.