Assurance emprunteur : Le Conseil constitutionnel valide la possible résiliation annuelle

Sévère déconvenue pour les bancassureurs qui pourtant s’étaient, tous, mobilisés comme un seul homme derrière la Fédération bancaire française (FBF) : le Conseil constitutionnel a validé les dispositions permettant à un assuré emprunteur de résilier facilement, à chaque échéance annuelle, le contrat d’assurance groupe-maison fourni par la banque ou l’une de ses filiales en même temps que le prêt, y compris pour les contrats en cours au 1er janvier 2018. Une économie potentielle non négligeable.
Le premier alinéa de l'article L. 313-30 du code de la consommation (rédaction Loi n° 2017-203 du 21 février 2017, art. 10) dispose en effet que dans le cadre d'un contrat de crédit visé à l'article L. 313-1 du même code, « le prêteur ne peut pas refuser en garantie un autre contrat d'assurance, dès lors que ce contrat présente un niveau de garantie équivalent au contrat d'assurance de groupe qu'il propose, lorsque l'emprunteur fait usage de son droit de résiliation dans le délai de douze mois à compter de la signature de l'offre de prêt ou qu'il fait usage du droit de résiliation annuel mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 113-12 du code des assurances ou au premier alinéa de l'article L. 221-10 du code de la mutualité. Toute décision de refus doit être motivée ». Cette disposition étant « également applicable, à compter du 1er janvier 2018, aux contrats d'assurance en cours d'exécution à cette date », selon le paragraphe V de l'article 10 de la loi du 21 février 2017 précitée.
Tous les acteurs de la banque et de l’assurance, FBF en tête, reprochaient à ces dispositions de méconnaître « la garantie des droits résultant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 » en permettant « à un emprunteur de résilier tous les ans son contrat d'assurance de groupe souscrit aux fins d'assurer son prêt », soulignant l’atteinte à « une situation légalement acquise et aux effets pouvant en être légitimement attendus », d’autant que les dispositions critiquées étaient applicables aux contrats en cours et portaient ainsi « une atteinte au droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues ».
S’il est à tout moment loisible au législateur, rappelle le Conseil
Dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 février 2017 précitée, le premier alinéa de l'article L. 313-30 du code de la consommation prévoyait que « jusqu'à la signature de l'offre de prêt destiné à financer un bien immobilier, le prêteur ne peut refuser en garantie, pour couvrir le risque de défaut de remboursement, un autre contrat d'assurance que le contrat de groupe qu'il propose. Il en est de même lorsque l'emprunteur résilie le contrat dans un délai de douze mois à compter de la signature de l'offre de prêt dans les conditions définies au premier alinéa de l'article L. 113-12-2 du code des assurances ou au deuxième alinéa de l'article L. 221-10 du code de la mutualité ».
La loi du 21 février 2017 a complété cette disposition en prévoyant que « l'emprunteur peut également, après la conclusion du contrat de prêt, substituer au contrat d'assurance de groupe un autre contrat d'assurance, en faisant usage du droit de résiliation mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 113-12 du code des assurances ou au premier alinéa de l'article L. 221-10 du code de la mutualité ». Ces dispositions permettent à un assuré de résilier un contrat d'assurance tous les ans en adressant une lettre recommandée au moins deux mois avant la date d'échéance.
L'application des dispositions contestées aux contrats conclus avant leur entrée en vigueur résulte du paragraphe V de l'article 10 de la loi du 21 février 2017 et pour ce qui est des contrats conclus après cette entrée en vigueur, elles sont insusceptibles « de porter atteinte à des situations légalement acquises », relève le Conseil qui souligne qu’aucune disposition du droit applicable avant la loi du 21 février 2017 aux contrats d'assurance de groupe en cause n'a pu faire naître « une attente légitime des établissements bancaires et des sociétés d'assurances proposant ces contrats quant à la pérennité des conditions de résiliation de ces derniers ».
D'ailleurs, ironise le Conseil, les évolutions successives apportées à ce droit par les lois du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation et du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires ont élargi les possibilités de résiliation de ces contrats par les assurés pour les rapprocher des règles applicables aux autres contrats d'assurance par la souscription de contrats alternatifs. Pour le Conseil, la « seule circonstance » que ces établissements bancaires et les sociétés d'assurance aient « choisi d'établir l'équilibre économique de leur activité à travers une mutualisation de ces contrats, en se fondant sur les conditions restrictives de résiliation alors en vigueur, n'a pas non plus pu faire naître une attente légitime à leur profit » pour juger que les dispositions critiquées ne portent pas atteinte à « une situation légalement acquise ni remis en cause les effets qui pouvaient être légitimement attendus d'une telle situation » et sont conformes à la Constitution.
Pour ce qui est de leur applicabilité aux contrats en cours d’exécution à compter du 1er janvier 2018, le Conseil que le législateur a entendu, à juste titre, renforcer la protection des consommateurs en assurant « un meilleur équilibre contractuel entre l'assuré emprunteur et les établissements bancaires et leurs partenaires assureurs » et a voulu, compte tenu de la longue durée de ces contrats, que cette réforme puisse « profiter au grand nombre des emprunteurs ayant déjà conclu un contrat d'assurance collectif », ce qui constitue, souligne-t-il, un « objectif d'intérêt général ».
Au demeurant, poursuit-il, les dispositions contestées n'ont pas pour effet d'entraîner directement la résiliation de contrats en cours, mais seulement « d'ouvrir aux emprunteurs une faculté annuelle de résiliation » et le prêteur ne peut se voir imposer un contrat d'assurance « ne présentant pas un niveau de garantie équivalent au contrat d'assurance de groupe conclu », étant précisé par ailleurs que le législateur a laissé un délai de plus de dix mois entre le vote de la loi et son application pour permettre notamment aux assureurs de prendre en compte les effets de cette modification sur leurs contrats en cours.