IVG : Le délit d’entrave validé avec deux réserves par le Conseil constitutionnel

Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel a validé la loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) avec deux réserves d’interprétation qui en atténuent sensiblement la portée initiale.

Le 1° de l'article unique de la loi déférée donne une nouvelle rédaction à l'article L. 2223-2 du code de la santé publique, il définit le délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse et réprime de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende :

le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur une interruption volontaire de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L. 2212-3 à L. 2212-8 par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d'allégations ou d'indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d'une interruption volontaire de grossesse :
1° Soit en perturbant l'accès aux établissements mentionnés à l'article L. 2212-2, la libre circulation des personnes à l'intérieur de ces établissements ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ;
2° Soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnes cherchant à s'informer sur une interruption volontaire de grossesse, des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans les établissements mentionnés au même article L. 2212-2, des femmes venues recourir à une interruption volontaire de grossesse ou de l'entourage de ces dernières
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Les dispositions contestées par des députés et sénateurs de l’opposition, relève le ConseilCons. constit., 16 mars 2017, n° 2017-747 DC, Loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse., répriment le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur une interruption volontaire de grossesse ou les actes préalables à celle-ci par tout moyen, délit d'entrave constitué dans deux cas : soit lorsque l'accès ou le fonctionnement des établissements pratiquant l'interruption de volontaire de grossesse est perturbé, soit lorsque des pressions morales et psychologiques, menaces ou actes d'intimidation sont exercés à l'encontre des personnes cherchant à s'informer sur une interruption volontaire de grossesse, des personnels travaillant dans ces établissements, des femmes venues recourir à une interruption volontaire de grossesse ou de leur entourage.

« La diffusion ou la transmission d'allégations ou d'indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d'une interruption volontaire de grossesse » ne constitue, constate le Conseil, qu'un des moyens de commettre le délit d'entrave, l'infraction n'étant constituée, en vertu des 1° et 2° de l'article L. 2223-2 du code de la santé publique, qu'en cas de « perturbations dans l'accès ou le fonctionnement des établissements habilités à pratiquer l'interruption volontaire de grossesse ou en cas de pressions, menaces ou actes d'intimidation » pour juger que les dispositions contestées sont suffisamment claires et précises pour que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines et l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

Sur le fond, il s’agissait pour les Sages de la rue de Montpensier de concilier l’article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 relatif à la liberté d’expression et de communication à l’article 2 duquel découle la liberté de la femme de pouvoir disposer de son corps. Ils en déduisent qu’en réprimant « les expressions et manifestations perturbant l'accès ou le fonctionnement des établissements pratiquant l'interruption volontaire de grossesse », le législateur n’a pas porté à la liberté d'expression et de communication une « atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi ». Itou pour « les pressions morales et psychologiques, menaces et actes d'intimidation » exercés à l'encontre des personnels des établissements habilités, des femmes venues y recourir à une interruption volontaire de grossesse ou de leur entourage et des personnes venues s'y informer.

C’est, enfin, sur la répression « des pressions morales et psychologiques, menaces et actes d'intimidation » exercés à l'encontre de « toute personne » cherchant à s'informer sur une interruption volontaire de grossesse, quels que soient l'interlocuteur sollicité, le lieu de délivrance de cette information et son support que portent les deux réserves d’interprétation. 

Mais la seule diffusion d'informations à destination d'un public « indéterminé » sur tout support, notamment sur un site de communication au public en ligne, ne saurait être regardée, estime le Conseil, comme constitutive « de pressions, menaces ou actes d'intimidation au sens des dispositions contestées, sauf à méconnaître la liberté d'expression et de communication », la répression, souligne-t-il, ne peut viser que des actes ayant pour but d'empêcher ou de tenter d'empêcher une ou plusieurs personnes « déterminées » de s'informer sur une interruption volontaire de grossesse ou d'y recourir. 

Second bémol, le délit d'entrave — lorsqu'il réprime des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnes cherchant à s'informer sur une interruption volontaire de grossesse — ne saurait être constitué qu'à la double condition que soit sollicitée « une information et non une opinion », d’une part, et, d’autre part, que cette information porte sur « les conditions dans lesquelles une interruption volontaire de grossesse est pratiquée ou sur ses conséquences et qu'elle soit donnée par une personne détenant ou prétendant détenir une compétence en la matière ».