Réforme des retraites : Validation et publication de la loi et rejet du référendum d’initiative populaire

Validée et promulguée hier soir, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 consistant principalement à porter l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans a été publiée dès avant l’aube ce matin au Journal officiel. La proposition de loi pour l’organisation d’un RIP est, quant à elle, rejetée et la seconde déposée avant-hier devrait subir le sort pour les mêmes motifs.
Saisi par la première ministre Élisabeth Borne qui n’invoquait aucun grief particulier et par les députés et sénateurs de l’opposition qui en contestaient, outre la sincérité, les articles 2, 3, 10, 11, 17 et 35, le Conseil constitutionnel
Sont censurés les articles 2 et 3 créant respectivement un index senior pour les entreprises d’au moins 300 salariés et un contrat de travail spécifique pour les demandeurs d’emploi d’au moins 60 ans au motif que ces deux dispositions « n’ont, en 2023, pas d’effet ou un effet trop indirect sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement » et ne trouvent donc pas « leur place dans une loi de financement rectificative de la sécurité sociale ». Certaines dispositions de l’article 10, 6° du § 3, concernant les services accomplis par un fonctionnaire dans un emploi classé en catégorie active ou super-active pendant les dix années précédant sa titularisation, n’ont pas, non plus, leur place dans cette loi pour le même motif. De même pour la visite médicale entre le 60e et le 61e anniversaire, prévue au 7° du A du § III de l’article 17, pour les salariés exerçant ou ayant exercé « des métiers ou activités particulièrement exposés à certains facteurs de risques professionnels » mais, en revanche, les deux fonds prévus au 1° du § I du même article pour la prévention de l’usure professionnelle sont validés.
La réforme assure l’équilibre financier du système de retraite et garantit sa pérennité
Conseil constitutionnel, 14 avr. 2023, n° 2023-849 DC, § 93
Quant aux dispositions de l’article 10 relatives à l’accélération du calendrier de relèvement de la durée d’assurance requise pour l’obtention d’une retraite à taux plein et au report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans qui agitent une (bonne) partie du pays et plus particulièrement les syndicats et les élus aux deux extrêmes, le législateur a entendu assurer, disent les Sages de la rue de Montpensier, « l’équilibre financier du système de retraite par répartition et en garantir la pérennité ». Il a notamment tenu compte, explique le Conseil, de l’allongement de l’espérance de vie et le report à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite et l’accélération du calendrier pour bénéficier d’une pension à taux plein s’appliquent aussi bien aux salariés du secteur privé qu’aux agents du secteur public.
Ces mesures sont d’autant plus appropriées, souligne le Conseil, que le législateur a pris soin de maintenir ou d’étendre des possibilités de retraite anticipée au bénéfice des personnes ayant eu des carrières longues, un taux d’incapacité de travail ou qui sont handicapées. L’âge d’annulation de la décote à 67 ans pour les salariés du secteur privé est par ailleurs maintenu et un âge d’annulation de la décote dans la fonction publique est institué. Les dispositions critiquées n’ont pas, non plus, ajoute le Conseil, « ni pour objet ni pour effet de supprimer le bénéfice de la majoration de la durée d’assurance de quatre trimestres attribuée aux femmes assurées sociales au titre de l’incidence sur leur vie professionnelle de la maternité ».
L’âge de départ à la retraite en cas de début d’activité avant 21 ans reste à déterminer par décret
Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, art 11
Pour ce qui est des carrières longues dont il est prévu, à l’article 11, que l’âge de départ à la retraite soit abaissé pour ceux qui ont commencé leur activité avant « l’un des quatre âges, dont le plus élevé ne peut excéder 21 ans », qui restent à déterminer par décret, et avec une condition de durée d’assurance identique, le fait que l’âge le plus bas serait, par exemple, fixé à 18 ans et que ceux qui, dans cette hypothèse, auraient commencé leur activité avant leur 18e anniversaire n’y trouveraient pas leur compte et seraient amener à « cotiser au-delà de la durée d’assurance requise pour obtenir une pension à taux plein » ne résulte, estime le Conseil, que de « situations et de carrières individuelles » et cela ne méconnaît nullement « le principe d’égalité, au regard de l’objet d’un système de retraite par répartition qui implique de fixer un âge minimal de départ à la retraite ». Si l’âge le plus bas est toutefois fixé, par exemple, à 16 voire 15 ans, le nombre de ceux qui pourraient être « conduits à cotiser au-delà de la durée d’assurance requise pur obtenir une pension à taux plein » sera infinitésimal et c’est un point sur lequel les syndicats pourraient reprendre la main et ont tout intérêt à renouer rapidement le dialogue pour peser sur le contenu des décrets à intervenir.
Aucune proposition de loi visant à organiser un RIP ne peut en l'état aboutir
Constitution, art 11, al. 3
Le RIP, la proposition de loi visant à affirmer que l'âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans ne satisfait pas, juge les gardiens de la Constitution, aux conditions fixées par l'article 11 de la Constitution pour le seul et simple motif qu'à date à laquelle le juge constitutionnel a été saisi de cette proposition de loi, l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale prévoit que l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite est fixé à 62 ans. Pour le même motif, la proposition déposée avant-hier, le 13 avril 2023, devrait subir le même sort et celle déposée par la Nupes le 15 avril 2023 devrait, elle, ne pas aboutir, non plus, par une stricte application du troisième alinéa de l'article 11 in fine selon lequel « une proposition de loi ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an ».
Rejet du second RIP
Conseil constitutionnel., 3 mai 2023, n° 2023-5 RIP, Proposition de loi visant à interdire un âge légal de départ à la retraite supérieur à 62 ans
Sans surprise, le Conseil a rejeté, dans les mêmes termes qu'il y a moins de trois semaines, la seconde tentative des Insoumis pour l'organisation d'un référendum d'initiative partagée dans la mesure où à la date [du 13 avril] à laquelle il a été saisi de cette proposition de loi, l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale dispose déjà que « l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite [...] est fixé à soixante-deux ans », l'interdiction demandée n'emporte donc, constate-t-il, pas de changement de l'état de droit.