Procès équitable : L’Agence française de lutte contre le dopage n'est pas impartiale

L'Agence française de lutte contre le dopage ne respecte pas le principe d'impartialité

Le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions attribuant un pouvoir de sanction à l’Agence française de lutte contre le dopage pour méconnaissance du « principe d’impartialité » en opérant aucune séparation entre les fonctions de poursuite et celles de jugement.

L'article L. 232-21 du code du sport a en effet confié aux fédérations sportives agréées le prononcé de sanctions disciplinaires en matière de dopage et l'article L. 232-22 du code du sport (rédaction ordonnance n° 2015-1207 du 30 septembre 2015 relative aux mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer le respect des principes du code mondial antidopage, ratifiée par l’article 221 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé) détermine les cas dans lesquels l'agence française de lutte contre le dopage exerce un pouvoir de sanction, son 3° prévoyant qu’elle peut « réformer les décisions prises en application de l'article L. 232-21. Dans ces cas, l'agence se saisit, dans un délai de deux mois à compter de la réception du dossier complet, des décisions prises par les fédérations agréées ».

À l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), il était soutenu que ces dispositions méconnaissent les principes d'indépendance et d'impartialité qui découlent de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ne distinguant pas, au sein de l'agence française de lutte contre le dopage, l'autorité décidant de la saisine d'office de l'agence et celle chargée du jugement à la suite de cette saisine, le législateur n'ayant prévu aucune séparation organique ou fonctionnelle entre les fonctions de poursuite et de jugement.

L'agence française de lutte contre le dopage, instituée par l'article L. 232-5 du code du sport, relève le ConseilCons. constit., 2 févr. 2018, n° 2017-688 QPC, Axel N., est « une autorité publique indépendante chargée de définir et de mettre en œuvre les actions de lutte contre le dopage », composée d’un collège de neuf membres nommés pour six ans (art. L. 232-6) et si, en application de l'article L. 232-21 du code du sport, « toute personne ayant contrevenu aux dispositions […] en matière de lutte contre le dopage encourt des sanctions disciplinaires de la part de la fédération dont elle est licenciée », les fédérations agréées informent sans délai l'agence française de lutte contre le dopage des décisions prises qui, en vertu du 3° de l'article L. 232-22, peut « réformer les décisions prises […] elle se saisit d'office dans un délai de deux mois à compter de la réception du dossier complet de la décision de la fédération ». L'article L. 232-23 l’autorisant, en cas de condamnation, à prononcer un avertissement, une interdiction temporaire ou définitive de participer à une manifestation sportive ou à l'organisation ou au déroulement d'une telle compétition, une interdiction d'exercer certaines fonctions ainsi que des sanctions pécuniaires.

Les dispositions contestées confient donc à l'agence française de lutte contre le dopage le pouvoir de se saisir d'office des décisions de sanctions rendues par les fédérations sportives qu'elle envisage de réformer et ce pouvoir n'est pas attribué à « une personne ou à un organe spécifique au sein de l'agence » alors qu'il appartient ensuite à cette dernière, constate le Conseil, « de juger les manquements ayant fait l'objet de la décision de la fédération ».

L'Agence de lutte contre le dopage méconnaît le principe d'impartialité
Cons. constit., 2 févr. 2018

Pour le Conseil, ces dispositions qui n'opèrent aucune séparation au sein de l'agence française de lutte contre le dopage entre, d'une part, les fonctions de poursuite des éventuels manquements ayant fait l'objet d'une décision d'une fédération sportive en application de l'article L. 232-21 et, d'autre part, les fonctions de jugement de ces mêmes manquements, « méconnaissent le principe d'impartialité » et sont déclarées contraires à la Constitution.

L'abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles aurait toutefois, considère le Conseil, des « conséquences manifestement excessives » et pour permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, la date d’abrogation est reportée au 1er septembre 2018 mais pour que l'inconstitutionnalité cesse immédiatement, le Conseil juge que « pour préserver le rôle régulateur confié par le législateur à l'agence française de lutte contre le dopage » jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu'au 1er septembre 2018, le 3° de l'article L. 232-22 du code du sport impose à l'agence française de lutte contre le dopage de « se saisir de toutes les décisions rendues en application de l'article L. 232-21 du même code postérieurement à la présente décision et de toutes les décisions rendues antérieurement à cette décision dont elle ne s'est pas encore saisie dans les délais légaux », précisant que la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans toutes les instances relatives à une décision rendue sur le fondement de l'article L. 232-21 dont l'agence s'est saisie en application des dispositions contestées et non définitivement jugées à la date de la présente décision.