Barème licenciement : Le droit à une indemnité adéquate n’est pas garanti

Charte sociale européenne
Charte sociale européenne

Sur réclamations de la Cgt et de la Cgt-Fo, le Comité européen des droits sociaux a conclu, à l’unanimité, à la violation par la France de l’article 24.b de la Charte sociale européenne concernant le plafonnement des indemnités en cas de licenciement sans motif valable institué par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail. La décision, adoptée le 23 mars dernier et notifiée aux parties le 25 mai, a été rendue publique hier, 26 septembre 2022.

Il était soutenu par les deux syndicats que ce plafonnement ne permet pas aux victimes d’un licenciement injustifié d’obtenir, par la voie judiciaire interne, une « réparation adéquate par rapport au préjudice subi » qui soit suffisamment « dissuasive » pour les employeurs, outre le fait que ces réformes mises en place en 2017 ne garantissent pas un droit de recours effectif contre la mesure de licenciement.

Les réclamations étaient appuyées par la Confédération européenne des syndicats qui estimait que ce plafonnement est d’autant plus contraire à l’article 24 de la Charte que c’est uniquement l’ancienneté qui est prise en compte sans tenir aucun compte d’autres variables importantes, et par le Syndicat des avocats de France qui estimait insuffisant le barème d’indemnisation et illusoire la faculté inopérante de réintégration en cas de licenciement injustifié. À l’inverse, l’Organisation internationale des employeurs se disait pleinement satisfaite et jugeait la réforme parfaitement compatible avec l’article 24 précité.

Le gouvernement a répliqué en faisant valoir notamment que le barème d’indemnisation a été déterminé à partir des moyennes des montants d’indemnités accordées par les juges en cas de licenciement abusif et en soulignant qu’avant l’ordonnance critiquée de 2017, les salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté et ceux des entreprises comptant moins de onze salariés étaient exclus du plancher de six mois d’indemnités prévu par les dispositions anciennes.

Pour être conforme à la Charte, le ComitéCEDS, 23 mars 2022, n° 160/2018, Confédération générale du travail Force ouvrière c/ France, n° 171/2018, Confédération générale du travail c/ France.rappelle liminairement qu’un système d’indemnisation d’un licenciement injustifié doit prévoir l’indemnisation de la perte financière entre la date de licenciement et celle de la décision, la possibilité de réintégration du salarié et/ou une indemnité d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et réparer le préjudice subi par la victime. Et à ce égard, est-ce que le plafond de 20 mois institué par l’article L. 1235-3 du code du travail respecte la dernière de ces trois conditions, s’interroge le Comité qui répond par la négative dans la mesure où il avait déjà considéré comme « insuffisant » le plafond finlandais de 24 mois.

Au cas particulier de la France, à l’inverse de la thèse du gouvernement, le Comité considère la « prévisibilité » résultant du barème comme pouvant constituer « une incitation pour l’employeur à licencier abusivement des salariés » et que les plafonds prévus par l’article L. 1235-3 ne sont pas « suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et être dissuasifs pour l’employeur », étant précisé, est-il ajouté, que le juge ne dispose que d’une marge de manœuvre étroite dans l’examen des circonstances individuelles des licenciements injustifiés. Pour le Comité, à l’unanimité, le droit à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée au sens de l’article 24.b de la Charte n’est donc pas garanti.