Salarie indépendant : Le portage salarial doit être « organisé » par le législateur

Les dispositions qui prévoient qu'un accord national interprofessionnel étendu peut confier à une branche professionnelle la mission « d'organiser » le portage salarial par un accord de branche étendu est contraire à la Constitution, a jugé le Conseil constitutionnel, mais leur abrogation est reportée au début de l'année 2015.
Deux syndicats Force ouvrière soutenaient que le paragraphe III de l'article 8 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail selon lequel « [...] pour une durée limitée à deux ans à compter de la publication de la présente loi, un accord national interprofessionnel étendu peut confier à une branche dont l'activité est considérée comme la plus proche du portage salarial la mission d'organiser, après consultation des organisations représentant des entreprises de portage salarial et par accord de branche étendu, le portage salarial » méconnaissent la liberté syndicale et le principe de participation des travailleurs garantis par les sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946.
Le Conseil constitutionnel
Le paragraphe I de l'article 8 de la loi du 25 juin 2008 a introduit dans le code du travail un nouvel article L. 1251-64 qui dispose que « le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle » et pour les Sages de la rue de Montpensier, en prévoyant qu'un accord national interprofessionnel étendu peut confier à une branche professionnelle la mission « d'organiser » cet ensemble de relations contractuelles, les dispositions contestées confient à la convention collective« le soin de fixer des règles qui relèvent de la loi » et ce faisant, le législateur a méconnu « l'étendue de sa compétence ».
La liberté d'entreprendre résulte en effet de l'article 4 de la Déclaration de 1789 et pour le Conseil constitutionnel, la méconnaissance par le législateur de sa compétence dans la détermination des conditions essentielles de l'exercice de l'activité économique de portage salarial ainsi que dans la fixation des principes applicables au « salarié porté » affecte par elle-même« l'exercice de la liberté d'entreprendre ainsi que les droits collectifs des travailleurs ».
Pour permettre au législateur de tirer les conséquences de cette déclaration d'inconstitutionnalité, le Conseil estime toutefois nécessaire de reporter au 1er janvier 2015 la date de l'abrogation de cette disposition contestée mais les mesures prises avant cette date — en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution — ne peuvent, avant cette même date, être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
Activité hybride qui permet à un professionnel d'exécuter une mission dans une entreprise en toute indépendance tout en bénéficiant du statut de salarié, le portage salarial se caractérise par une relation triangulaire entre une société de portage, une personne portée et une entreprise cliente. Né de manière confidentielle il y a 25 ans pour les cadres supérieurs ou dirigeants seniors souhaitant maintenir une rémunération jusqu'à l'âge de la liquidation des droits à retraite, le portage s'est ensuite progressivement étendu à des activités et à des populations plus larges et concernaient, en 2005, 15 000 personnes dont seulement 32 % avaient plus de 50 ans.