Fake news : Le Conseil constitutionnel valide avec plusieurs réserves

La loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information, dite loi contre les « fake news », a été promulguée samedi par le président de la République et publiée dimanche au Journal officiel. Elle a été quasi vidée de son contenu par le Conseil constitutionnel qui a émis plusieurs réserves d’interprétation et nécessite par ailleurs deux décrets d’application.
L’article premier du texte
Des dispositions similaires (art. 5,6 8, et 10) sont insérées dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication permettant au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) la régulation de la diffusion de services de radio et de télévision.
La méconnaissance de ces obligations sera sanctionnée, aux termes de l’article L. 112 du même code, d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 75 000 euros, et l’article L. 163-2 permettra, lorsque des « allégations ou imputations inexactes ou trompeuses » d’un fait de « nature à altérer la sincérité du scrutin à venir » seront diffusées de « manière délibérée, artificielle ou automatisée et massive » par le biais d’un service de communication au public en ligne, de saisir un juge des référés (unique pour tout le pays qui doit être déterminé par décret) qui pourra prescrire toutes « mesures proportionnées et nécessaires pour faire cesser [la] diffusion ».
Si le Conseil constitutionnel
Pour ce qui est de la liberté d’expression et de communication, le Conseil rappelle que son exercice est « une condition de la démocratie et l’une des garanties des autres droits et libertés » mais le législateur peut instituer des dispositions destinées à faire « cesser des abus de l’exercice de la liberté d’expression et de communication » qui portent atteinte « à l’ordre public et aux droits des tiers » et il convient de concilier le principe constitutionnel de liberté de scrutin avec cette liberté constitutionnelle d’expression et de communication.
Le Conseil considère que le législateur a strictement limité les informations qui peuvent faire l’objet d’une saisine du juge des référés et cette procédure, souligne-t-il, ne peut viser que des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d’un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir. Ces allégations ne recouvrent, précisent les Sages, « ni les opinions, ni parodies ni les inexactitudes partielles ou les simples exagérations ». Il ne s’agit de celles dont il est possible de démontrer la « fausseté de manière objective » et doivent répondre à trois conditions cumulatives que sont que l’information critiquée doit être artificielle ou automatisée, massive et délibérée.
Les allégations et imputations ne sauraient par ailleurs, juge le Conseil, sans que soit méconnue la liberté d’expression et de communication, « justifier » une mesure de cessation de diffusion de certains contenus d’information que si leur caractère inexact ou trompeur est « manifeste ». Et pour le Conseil, il en est de même pour le risque d’altération de la sincérité du scrutin qui devra, lui aussi, être « manifeste ». Autant de garde-fous qu’il sera assurément très difficile d’obtenir du juge de l’évidence le retrait de contenus s’ils ne sont inexacts ou trompeurs à un taux proche de 100 pour cent mais, en revanche, c’est sans doute un pas salutaire vers plus de transparence pour distinguer un contenu rédactionnel d’un contenu sponsorisé.
Dans son avis du 19 avril dernier, le Conseil d’État avait relevé que le droit français contient déjà moult dispositions diverses et variées pour lutter contre la diffusion de fausses informations mais la « diffusion des fausses informations s’effectue désormais selon les logiques et des vecteurs nouveaux » et ce texte est une réponse qu’il appartiendra à la jurisprudence d’affiner.