Crédits d'impôt : Une amende égale au montant de l’avantage fiscal est disproportionnée

Dom Com Invest

« En sanctionnant d’une amende d’un montant égal à l’avantage fiscal ou à 25 % des sommes indûment mentionnées sur le document sans établir le caractère intentionnel du manquement », le législateur a institué, juge le Conseil constitutionnel, une amende « revêtant un caractère manifestement hors de proportion », à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la société Dom Com Invest.

En cause, l’article 1740 A du code général des impôts selon lequel « la délivrance irrégulière de documents, tels que certificats, reçus, états, factures ou attestations, permettant à un contribuable d'obtenir une déduction du revenu ou du bénéfice imposables, un crédit d'impôt ou une réduction d'impôt, entraîne l'application d'une amende égale à 25 % des sommes indûment mentionnées sur ces documents ou, à défaut d'une telle mention, d'une amende égale au montant de la déduction, du crédit ou de la réduction d'impôt indûment obtenu ».

Dom Com Invest, dont l’activité est, selon la présentation qu’elle en fait elle-même sur son site internet, la « mise en place et l’administration » de sociétés dans les départements et collectivités d’outre-mer et notamment en Guyane qui « financent des investissements dans le secteur agricole guyanais en application de l’article 199 undecies B du code général des impôts » permettant aux associés de ces sociétés « d’accéder à des avantages fiscaux supérieurs au montant de leur apport financier », soutenait que l’amende litigieuse portait atteinte aux « principes de proportionnalité et d’individualisation des peines » dès lors qu’il n’existait pas de « lien direct entre le manquement sanctionné et l’assiette de l’amende », outre le fait que l’amende est infligée « indépendamment de la bonne foi de l’émetteur du document permettant à un contribuable d’obtenir un avantage fiscal indu ».

Il s’agit donc, souligne le ConseilCons. constit., 12 oct. 2018, n° 2018-739 QPC, société Dom Com Invest., de dispositions sanctionnant la délivrance irrégulière de documents, sans « considération de la bonne foi de l’auteur du manquement », permettant à un contribuable d’obtenir une « déduction de revenu ou de bénéfice imposable, un crédit ou une réduction d’impôt », par lesquelles le législateur a entendu lutter contre la délivrance abusive ou frauduleuse d’attestations ouvrant droit à un avantage fiscal et poursuivre ainsi l’objectif à valeur constitutionnelle de « lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ».

Mais, poursuit le Conseil, en sanctionnant d’une amende d’une montant égal à l’avantage fiscal indûment obtenu par un tiers ou à 25 % des sommes indûment mentionnées sur le document sans que soit établir le caractère intentionnel du manquement réprimé, le législateur a institué une amende « revêtant un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité de ce manquement » et le premier alinéa de l’article 1740 A précité est déclaré contraire à la Constitution.

L’abrogation de ces dispositions est toutefois reportée au 1er janvier 2019 car leur abrogation immédiate aurait pour effet, selon le Conseil, de « priver de fondement la sanction de la délivrance irrégulière de documents permettant à un tiers d’obtenir indûment un avantage fiscal » même dans l’hypothèse où le caractère intentionnel du manquement serait « établi », ce qui entraînerait des conséquences « manifestement excessives ».

Jusqu’au 31 décembre 2018, pour faire cesser l’inconstitutionnalité immédiatement, l’amende litigieuse ne s’applique qu’aux personnes qui ont « sciemment » délivré des documents permettant à un contribuable d’obtenir un avantage fiscal « indu ».