Loi de finances 2018 : IFI, flat tax et suppression de la taxe d’habitation validés

Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel de la loi de finances pour 2018 comprenant notamment un dégrèvement de la taxe d’habitation subordonné à une condition de revenus des contribuables, une « flat tax » de 30 % sur les revenus mobiliers et la suppression de l’impôt sur la fortune au profit d’un impôt sur la fortune immobilière.

Suppression de la taxe d’habitation sur 3 ans pour 80 % des ménages

L'article 5 de la loi instaure, sous réserve de satisfaire à une condition de revenu modulée en fonction du quotient familial, un nouveau dégrèvement, pris en charge par l'État, de la taxe d'habitation perçue par les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, à concurrence de 30 % du montant dû en 2018, 65 % en 2019 et 100 % au-delà. À compter de 2020, il n’y aurait ainsi qu’environ 20 % des contribuables qui resteraient encore assujettis à la taxe d’habitation.

Sur le respect de l'égalité devant les charges publiques, le ConseilCons. constit., 28 déc. 2017, n° 2017-758 DC, Loi de finances pour 2018. relève que selon les dispositions contestées, présentées au parlement comme constitutives d'une étape dans la perspective d'une réforme plus globale de la fiscalité locale, le législateur a entendu diminuer l'imposition à la taxe d'habitation de la plus grande part de la population et si cela ne réduit pas l'ensemble des disparités de situation entre contribuables inhérentes au régime de la taxe d'habitation sous l'effet de son évolution depuis sa création, le législateur s'est fondé, en retenant comme critère d'éligibilité au nouveau dégrèvement un plafond de revenu en fonction du quotient familial, sur « un critère objectif et rationnel », précisant qu’il se réserve de réexaminer la problématique en fonction notamment de la façon dont sera traitée « la situation des contribuables restant assujettis à la taxe d'habitation dans le cadre d'une réforme annoncée de la fiscalité locale ».

Quant au respect de l'autonomie financière des collectivités territoriales, le Conseil rappelle qu'il résulte de la combinaison des articles 72-2 de la Constitution et L.O. 1114-2 du code général des collectivités territoriales qu'entre dans la catégorie des ressources propres des collectivités territoriales au sens de l'article 72-2 de la Constitution « le produit des impositions de toutes natures » non seulement lorsque la loi autorise ces collectivités à en fixer l'assiette, le taux ou le tarif ou qu'elle en détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette, mais encore lorsqu'elle « procède à une répartition de ces recettes fiscales au sein d'une catégorie de collectivités territoriales » et, au cas particulier, le dégrèvement contesté est entièrement pris en charge par l'État sur la base des taux globaux de taxe d'habitation applicables en 2017 et n'affecte pas l'assiette de cette taxe ni ne remet pas en cause son caractère local, les communes demeurant « libres de fixer un taux de taxe d'habitation différent, auquel les bénéficiaires du dégrèvement seront d'ailleurs assujettis, pour la part supérieure au taux applicable en 2017 ».

Mais si, souligne le Conseil, en raison de l'évolution des circonstances, et notamment par l'effet d'une modification des dispositions contestées, éventuellement conjuguée à d'autres causes, la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources des communes devenait inférieure au seuil minimal de ressources propres déterminé par l'article L.O. 1114-3 du code général des collectivités territoriales, il appartiendrait alors à la loi de finances pour la deuxième année suivant celle de ce constat « d'arrêter les mesures appropriées pour rétablir le degré d'autonomie financière des communes au niveau imposé par le législateur organique ».

La « flat tax » sur les revenus mobiliers

L'article 28 soumet, à compter du 1er janvier 2018, à un prélèvement forfaitaire unique de 12,8 %, dit « flat tax », les revenus de capitaux mobiliers, les plus-values mobilières et certains revenus de l'assurance vie, de l'épargne logement et de l'actionnariat salarié, soit un taux global d'imposition de ces revenus à 30 %, compte tenu de l'augmentation des contributions sociales sur les revenus du patrimoine et les revenus de placement résultant de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Saisi de griefs tirés de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, le Conseil a relevé qu'en se donnant l'objectif de diminuer les taux marginaux d'imposition des revenus du capital et d'améliorer la lisibilité et la prévisibilité de la fiscalité qui leur est applicable, le législateur a pu, sans méconnaître la Constitution, opérer « une différence de traitement entre, d'une part, les revenus du capital désormais soumis au nouveau prélèvement proportionnel et, d'autre part, les autres catégories de revenus demeurant soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu », les dispositions contestées ne remettant pas en cause le caractère progressif du montant de l'imposition globale du revenu des personnes physiques.

L’impôt sur la fortune immobilière

L'article 31 de la loi supprime l'impôt sur la fortune (ISF) et crée un impôt sur la fortune immobilière (IFI) dont l'assiette est composée de l'ensemble des actifs immobiliers autres que ceux affectés par le propriétaire à sa propre activité professionnelle, incluant ainsi des biens contribuant au financement des entreprises et excluant des biens qualifiés d' « improductifs ».

Si la conformité à la Constitution de l’essentiel de ce régime d’imposition de la fortune immobilière ne pose pas problème, le Conseil a néanmoins censuré le second alinéa du A du paragraphe IX de l'article 31 qui traitait différemment les titulaires d'usufruits constitués en application de l'article 757 du code civil selon la date de constitution de ces usufruits, jugeant que cette différence de traitement n'était justifiée « ni par une différence de situation ni par un motif d'intérêt général ». LexTimes aura sans doute l’occasion de revenir ultérieurement sur ce nouvel impôt qui se révèle bien plus large qu’on aurait pu le croire à l’origine.

Parmi les autres dispositions jugées conformes par le Conseil figurent l'article 126 réformant les aides au logement et les règles de fixation des loyers dans le parc locatif social et l'article 142 mettant fin au remboursement par l'État aux sociétés d'assurance et aux mutuelles d'une fraction de la majoration légale de certaines rentes viagères servies à leurs clients.

Le Conseil constitutionnel a, en revanche, censuré, comme étant contraire au principe d'égalité devant les charges publiques, l'article 85 annulant l'intégralité du transfert de ressources opéré par l'article 89 de la loi de finances pour 2016 pour le seul cas de la métropole de Lyon et de la région Auvergne-Rhône-Alpes dans le mesure où les Sages considèrent que le législateur ne s'est pas fondé sur des « critères objectifs et rationnels en rapport avec le but qu'il s'est proposé ». Sont également censurés comme étrangers au domaine des lois de finances les articles 32,127, 145, 150, 152 et 153.