Gilets jaunes : L’interdiction administrative individuelle de manifester retoquée

Le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel des dispositions de la loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, dite loi « anticasseurs », mais a, en revanche, censuré l’interdiction administrative individuelle de manifester faute de « garanties suffisantes » et elle devrait donc refaire surface prochainement sous une nouvelle mouture.
Le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel des dispositions de la loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, dite loi « anticasseurs », mais a, en revanche, censuré l’interdiction administrative individuelle de manifester faute de « garanties suffisantes » et elle devrait donc refaire surface prochainement sous une nouvelle mouture
Le Conseil
Le législateur ayant l’obligation, selon l'article 34 de la Constitution et le principe de légalité des délits et des peines résultant de l'article 8 de la Déclaration de 1789, de « fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis » pour « exclure l'arbitraire dans le prononcé des peines » et « éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ».
L'article 2 de la loi déférée, codifié à l’article 78-2-5 du code de procédure pénale, permettant à des officiers ou des agents de police judiciaire « de procéder, sur les lieux d'une manifestation et à ses abords immédiats, à l'inspection visuelle et à la fouille de bagages ainsi qu'à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public » est validé par les Sages qui relèvent d'une part, que les opérations d'inspection visuelle et de fouille de bagages ainsi que de visite de véhicules ne peuvent être réalisées que pour « la recherche et la poursuite de l'infraction, prévue à l'article 431-10 du code pénal, de participation à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d'une arme » et, d’autre part, les dispositions contestées prévoient que ces opérations se déroulent « sur les lieux d'une manifestation et à ses abords immédiats » et qu'elles sont autorisées par « une réquisition écrite du procureur de la République », ce qui fait dire au Conseil que « ces opérations sont placées sous le contrôle d'un magistrat de l'ordre judiciaire qui en précise, dans sa réquisition, le lieu et la durée en fonction de ceux de la manifestation attendue » et qu’elles ne peuvent conduire à « une immobilisation de l'intéressé que le temps strictement nécessaire à leur réalisation » et n'ont donc pas pour effet « de restreindre l'accès à une manifestation ni d'en empêcher le déroulement ».
De même pour l'article 6, codifié à l’article 431-9-1, qui punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende « le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, au cours ou à l'issue de laquelle des troubles à l'ordre public sont commis ou risquent d'être commis, de dissimuler volontairement tout ou partie de son visage sans motif légitime », est jugé suffisamment précis en visant « l'occultation de certaines parties de son visage » et les manifestations « au cours ou à l'issue » desquelles des troubles à l'ordre public sont commis ou risquent d'être commis dans mesure où le législateur a « précisément » défini « la période pendant laquelle l'existence de troubles ou d'un risque de troubles doit être appréciée, qui commence dès le rassemblement des participants à la manifestation et se termine lorsqu'ils se sont tous dispersés » et fait « référence au risque de commission de troubles à l'ordre public ».
Itou pour l'article 8 qui introduit un 3° bis à l'article 138 (liste des obligations auxquelles peut être soumise une personne placée sous contrôle judiciaire) pour y ajouter l'obligation de ne pas participer, ou plutôt l’interdiction de participer devrait-on dire, à « des manifestations sur la voie publique dans des lieux déterminés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ».
L'article 3, en revanche, qui aurait permis à « l'autorité administrative, sous certaines conditions, d'interdire à une personne de participer à une manifestation sur la voie publique » et même d’interdire « dans certains cas, à une personne de prendre part à toute manifestation sur l'ensemble du territoire national pour une durée d'un mois », est censuré au motif que le législateur « n'a pas imposé que le comportement en cause présente nécessairement un lien avec les atteintes graves à l'intégrité physique ou les dommages importants aux biens ayant eu lieu à l'occasion de cette manifestation ». Il n'a pas davantage imposé, souligne le Conseil, que la manifestation visée par l'interdiction soit susceptible de « donner lieu à de tels atteintes ou dommages » et, de surcroît, l'interdiction aurait pu être prononcée « sur le fondement de tout agissement », que celui-ci ait ou non un lien avec la commission de violences et « tout comportement », quel que soit son ancienneté, aurait pu justifier le prononcé d'une interdiction de manifester, ce qui, au goût des Sages, aurait laissé à l'autorité administrative « une latitude excessive dans l'appréciation des motifs susceptibles de justifier l'interdiction ».
Il était également prévu que lorsqu'une manifestation sur la voie publique n'aurait pas fait l'objet d'une déclaration ou que cette déclaration aurait été tardive, l'arrêté d'interdiction de manifester aurait été exécutoire d'office et aurait pu être notifié à tout moment à la personne soumise à cette interdiction, y compris au cours de la manifestation.