Justice : Stages de responsabilisation et de sensibilisation

Stage.

On en connaissait la durée (un mois) et le coût (450 €) par la codification à l’article 131-35-2 du code pénal de l’article 108 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, il ne manquait plus que le contenu et les modalités de mise en œuvre de ces stages de responsabilisation ou de sensibilisation institués par les lois du 4 août 2014 et du 13 avril 2016. C’est désormais chose faite.

L’article 50 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité entre les femmes et les hommes a institué un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes et l’article 21 de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels.

Le décretDécret n° 2016-1709 du 12 décembre 2016 relatif au stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple ou sexistes et au stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels, J.O., n° 290, 14 déc. 2016, n° 52.  publié ce matin au Journal officiel précise les deux points manquants.

Pour le stage de responsabilisation, le nouvel article R. 131-51-1 du code pénal vient préciser qu’il doit permettre de rappeler au condamné « le principe républicain d’égalité entre les hommes et les hommes, la gravité des violences, quelle que soit leur forme, au sein du couple ou à caractère sexiste et, le cas échéant, le devoir de respect mutuel qu’implique la vie en couple » et vise également à lui faire prendre conscience de « sa responsabilité pénale et civile pour les faits commis ».

Autant de « belles choses » qu’il est indispensable d’inculquer, dès le plus jeune âge, à l’école, à la maison et en tous lieux, mais il est vraisemblablement illusoire voire stupide de penser qu’un stage d’un mois à 450 euros est susceptible de modifier le comportement profond d’un adulte dont, justement, l’égalité et le respect de l’autre sont, en l’espèce, le cadet de ses soucis. La formulation elle-même de cet article est par ailleurs particulièrement sexiste puisqu’elle peut donner à penser que la violence n’existerait que dans les couples hétérosexuels et que dans ces couples hétérosexuels, c’est l’homme qui est nécessairement violent. C’est sans doute vrai à 80 % voire davantage mais il n’empêche que lorsqu’on parle d’égalité et de respect, il faut que ce soit écrit de manière plus neutre pour ne pas ajouter de la discrimination à la violence subie.

Quant au stage de sensibilisation, il s’agit, selon le nouvel article R. 131-51-3 du même code, de rappeler au condamné « les réalités de la prostitution et les conséquences de la marchandisation du corps », outre sa prise de conscience concernant « sa responsabilité pénale et civile pour les faits commis ». Or, les réalités de la prostitution et les conséquences de la marchandisation de son corps, c’est à la personne qui se prostitue qu’il faut les expliquer et les faire admettre encore et encore, inlassablement.

Dans un contexte hypocrite de prostitution « tolérée » en France — où la personne qui se prostitue serait systématiquement, malgré son choix et sa propre volonté, une « victime » du client nécessairement « coupable » de vouloir s’offrir ce qu’il ne peut obtenir autrement du fait de sa timidité, de son physique ingrat ou pour toute autre raison —, vouloir imposer un stage de sensibilisation prend le problème par le mauvais bout et il faudrait plutôt et uniquement se concentrer sur l’information et le reclassement professionnel des personnes qui se prostituent et qui voudraient en sortir.