QPC Tapie : L'escroquerie, même en bande organisée, ne nécessite pas 4 jours de garde à vue

Même lorsqu'il est commis en bande organisée, le délit d'escroquerie n'est pas susceptible de porter atteinte en lui-même à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes, a jugé le Conseil constitutionnel qui a considéré qu'en permettant de prolonger la durée de la garde à vue jusqu'à 96 heures pour un tel délit, le législateur a permis qu'il soit porté à la liberté individuelle et aux droits de la défense une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi.
Les auteurs de ces deux questions prioritaires de constitutionnalité jointes, Bernard Tapie et son avocat, Maurice Lantourne, n'en bénéficieront toutefois pas. Le Conseil
Primo, relevant que l'abrogation immédiate du 8° bis de l'article 706-73 du code de procédure pénale aurait aussi eu pour effet d'interdire le recours aux pouvoirs spéciaux de surveillance et d'investigation dans les enquêtes portant sur l'escroquerie en bande organisée, le Conseil a reporté au 1er septembre 2015 la date de l'abrogation du 8° bis de cet article 706-73. Deuzio, pour que cesse néanmoins l'inconstitutionnalité constatée, il ne sera plus possible dorénavant de prolonger une mesure de garde à vue au delà de 48 heures dans des investigations portant sur des faits d'escroquerie en bande organisée. Et, enfin, tertio, les mesures de garde à vue prises avant la publication de cette décision et les autres mesures d'investigation prises avant le 1er septembre 2015 en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
Mis en cause pour des faits d'escroquerie en bande organisée concernant l'affaire de l'arbitrage Tapie/Crédit Lyonnais, Bernard Tapie et son conseil, Me Maurice Lantourne, ont fait l'objet d'une mesure de garde à vue de près de 96 heures en application de l'article 706-88 du code de procédure pénale (CPP) et ont ensuite été mis en examen. Ils ont saisi la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris d'une requête en nullité à l'occasion de laquelle ils ont chacun posé une QPC le 24 décembre 2013 qui ont été transmises à la Cour de cassation le 15 mai 2014.
Il était soutenu que la possibilité de placer une personne en garde à vue pour une durée maximale de 96 heures pour des faits délictuels ne constituant pas des atteintes aux personnes portait « une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle et aux droits de la défense. ». La QPC posée par Maurice Lantourne visait le 8° bis de l'article 706-73 du CPP en tant qu'il permet la promulgation de la garde à vue par l'article 706-88 et celle de Bernard Tapie visait l'article 706-88 en tant qu'il est applicable à l'infraction prévue par le 8 bis de l'article 706-73.
Dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel avait déjà examiné et déclaré conformes à la Constitution les articles 706-73 et 706-88 du CPP et il avait même déjà eu l'occasion de dire, en 2010, qu'en l'absence de changement de circonstances en matière de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées, il n'y avait pas lieu à statuer