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UE : La nouvelle directive sur les produits du tabac validée

Par LA RÉDACTION | LEXTIMES.FR |
Tabac menthol. Tabac menthol.

L’uniformisation étendue des conditionnements et la future interdiction des cigarettes mentholées dans l’Union européenne (UE) ainsi que la réglementation spécifique des cigarettes électroniques ont été déclarées licites par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

La nouvelle directive de 2014 sur les produits du tabac1  vise, d’une part, à faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes en prenant pour base un niveau élevé de protection de la santé humaine et, d’autre part, à respecter les obligations de l’Union découlant de la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte antitabac2 .

Cette directive prévoit notamment l’interdiction, à partir du 20 mai 20203 , de la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant ainsi que l’uniformisation de l’étiquetage et du conditionnement des produits du tabac. Et elle instaure un régime spécifique pour les cigarettes électroniques.

La Pologne, soutenue par la Roumanie, contestait devant la Cour de justice l’interdiction des cigarettes mentholées (affaire C-358/14). Dans deux autres affaires (C-477/14 et C-547/14), la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) demande à la Cour si une série de dispositions de la directive sur les produits du tabac sont valides.

Le menthol vise à rendre les produits du tabac plus attrayants pour les consommateurs

La Cour4 rejette le recours de la Pologne et confirme la validité des dispositions de la directive qu’elle a examinées. Pour ce qui est de l’interdiction des cigarettes mentholées, la Cour constate que les produits du tabac contenant un arôme caractérisant (menthol ou autre arôme) présentent, d’une part, des caractéristiques objectives analogues et, d’autre part, des effets similaires en ce qui concerne l’initiation à la consommation de tabac et l’entretien du tabagisme. Elle rappelle que le menthol, par son arôme agréable, vise à rendre les produits du tabac plus attrayants pour les consommateurs et que la réduction de l’attractivité de ces produits peut contribuer à diminuer la prévalence du tabagisme et de la dépendance tant chez les nouveaux consommateurs que chez les consommateurs habituels.

Il existait, relève la Cour, lors de l’adoption de la directive, des divergences importantes entre les réglementations des États membres, certains d’entre eux ayant établi différentes listes d’arômes autorisés ou interdits, alors que d’autres n’avaient pas adopté de réglementation particulière sur ce point. En outre, la Cour considère que, en interdisant la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant, la directive prévient une telle évolution hétérogène des réglementations des États membres. Par conséquent, la Cour considère qu’une telle interdiction facilite le bon fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes et est en même temps appropriée pour assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, particulièrement pour les jeunes.

La Cour juge par ailleurs que le législateur de l’Union pouvait légitimement imposer une telle interdiction, dès lors que les mesures moins contraignantes préconisées par la Pologne n’apparaissent pas tout aussi aptes à réaliser l’objectif poursuivi. En effet, selon la Cour, ni l’élévation — pour les seuls produits du tabac contenant un arôme caractérisant — de la limite d’âge à partir de laquelle leur consommation est autorisée, ni l’interdiction de la vente transfrontalière des produits du tabac, ni enfin l’apposition sur l’étiquetage d’un avertissement sanitaire indiquant que les produits du tabac contenant un arôme caractérisant sont aussi nocifs pour la santé que les autres produits du tabac ne sont susceptibles de réduire l’attractivité de ces produits et, dès lors, de prévenir l’initiation à la consommation de tabac des personnes dont l’âge est supérieur au seuil retenu.

Des avertissements sanitaires recouvrant 65 % de la surface de chaque unité ou emballage sont appropriés

Quant à l’uniformisation de l’étiquetage et du conditionnement des produits du tabac, la Cour précise d’emblée que les États membres ne peuvent maintenir ou instaurer de nouvelles exigences qu’en ce qui concerne les aspects du conditionnement des produits du tabac qui ne sont pas harmonisés par la directive. S’agissant de l’interdiction d’apposer sur l’étiquetage des unités de conditionnement, sur l’emballage extérieur ainsi que sur le produit du tabac proprement dit tout élément ou dispositif susceptible de contribuer à la promotion de ces produits ou d’inciter à leur consommation, même si de tels éléments ou dispositifs sont matériellement exacts, la Cour considère que cette interdiction, d’une part, est de nature à protéger les consommateurs contre les risques liés au tabagisme et, d’autre part, ne dépasse pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi. Elle juge en outre proportionnées les règles relatives, en substance, à l’intégrité des avertissements sanitaires après ouverture du paquet, à l’emplacement et aux dimensions minimales des avertissements sanitaires ainsi qu’à la forme des unités de conditionnement des cigarettes et au nombre minimum de cigarettes par unité de conditionnement.

La Cour constate par ailleurs que le législateur de l’Union n’a pas dépassé les limites de ce qui est approprié et nécessaire en prévoyant que chaque unité de conditionnement ou emballage extérieur doit porter des avertissements sanitaires constitués d’un message et d’une photographie en couleur et recouvrant 65 % de la surface extérieure avant et arrière de chaque unité de conditionnement.

Quant au régime spécifique applicable aux cigarettes électroniques, qui prévoit notamment une obligation pour les fabricants et les importateurs de notifier aux autorités nationales tout produit qu’ils souhaitent mettre sur le marché (assortie d’une obligation de standstill de six mois), des avertissements spécifiques, une teneur limite en nicotine de 20 mg/ml, une obligation de joindre un dépliant, une interdiction particulière de la publicité et du parrainage ainsi que des obligations de rapport annuel, la Cour relève que ces cigarettes revêtent des caractéristiques objectives différentes de celles des produits du tabac. Partant, en soumettant ces cigarettes à un régime juridique distinct et, par ailleurs, moins strict que celui applicable aux produits du tabac, le législateur de l’Union n’a pas enfreint le principe d’égalité de traitement.

Il n'est disproportionné d'interdire les communications commerciales et le parrainage en faveur des cigarettes électroniques

En outre, observe la Cour, compte tenu de l’expansion du marché des cigarettes électroniques et des flacons de recharge, les dispositions nationales réglementant les conditions auxquelles doivent répondre ces produits sont par nature susceptibles, en l’absence d’harmonisation au niveau de l’Union, de constituer des obstacles à la libre circulation des marchandises. La Cour constate également qu’en autorisant les États membres à interdire la vente à distance transfrontalière de cigarettes électroniques ainsi que de flacons de recharge et en imposant certaines règles communes aux États membres qui ne l’interdisent pas, la directive permet aux États membres d’empêcher que les règles de conformité ne soient contournées.

La Cour souligne que les risques avérés et potentiels liés à l’utilisation de cigarettes électroniques ont amené le législateur de l’Union à agir en conformité avec les exigences découlant du principe de précaution. À cet égard, la soumission des cigarettes électroniques à un régime de notification n’apparaît pas manifestement inappropriée ou allant manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé par le législateur de l’Union. Par ailleurs, la Cour rejette l’argument selon lequel l’obligation faite aux fabricants et aux importateurs de cigarettes électroniques et de flacons de recharge de soumettre chaque année aux autorités compétentes des États membres certaines données permettant à ces autorités de surveiller l’évolution du marché enfreindrait les principes de proportionnalité et de sécurité juridique. De même, en fixant à 20 mg/ml la teneur maximale en nicotine pouvant être contenue dans le liquide des cigarettes électroniques, le législateur n’a pas agi de façon arbitraire ni n’a manifestement dépassé les limites de ce qui était approprié et nécessaire pour atteindre l’objectif de la directive.

La Cour déclare également qu’il n’est pas disproportionné d’exiger que les unités de conditionnement des cigarettes électroniques et des flacons de recharge contiennent un dépliant séparé et qu’il n’est pas non plus disproportionné d’interdire, en substance, les communications commerciales et le parrainage en faveur des cigarettes électroniques et des flacons de recharge. En outre, l’interdiction imposée aux opérateurs économiques de promouvoir leurs produits n’affecte pas le contenu essentiel de la liberté d’entreprise et du droit de propriété reconnus par la Charte des droits fondamentaux de l’Union.

 

  • 1Directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE, J.O.UE L 127, p. 1.
  • 2Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac signée à Genève le 21 mai 2003.
  • 3Cette interdiction s’appliquera aux produits du tabac contenant un arôme caractérisant particulier, dont le volume des ventes à l’échelle de l’Union représente 3 % ou plus dans une catégorie de produits déterminée.
  • 4CJUE, 4 mai 2016, n° C-358/14 Pologne c/ Parlement et Conseil ; C-477/14 Pillbox 38 (UK) Ltd c/Secretary of State for Health ; C-547/14 Philip Morris Brands SARL et a. c/ Secretary of State for Health.

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