La théorie des 48 ou la fin de la démocratie
Pour comprendre le mouvement des gilets jaunes, il faut, comme souvent, poser sa réflexion à un niveau compréhensible, qui parle à tous.
Prenons le cas d’un maire d’une petite commune, élu démocratiquement, avec une équipe et un projet municipal, défendu pendant sa campagne.
L’élection passée, il met en œuvre ce dernier.
Imaginez un groupe d’individus, indéfini, qui remet en cause ce projet et met en ébullition les réseaux sociaux pour le refuser.
Le maire, démocrate et à l’écoute des habitants de sa commune, organise une réunion publique sur ce projet.
Sur 1 000 habitants, 50 viennent à cette réunion. Sur les 50 présents, 48 sont membres des collectifs et groupes divers anti-projet municipal, qui n’ont d’ailleurs probablement pas voté pour lui. La réunion tourne au cauchemar pour le maire et son équipe, le projet ne peut même pas être présenté sereinement. Les intimidations et les menaces fusent.
Quel choix le maire doit-il faire ?
Respecter la volonté de la majorité qui l’a élu, lui et son projet, et l’appliquer ?
Écouter et se plier à la volonté des 48 ?
Les gilets jaunes sont les 48.
L’élection d’Emmanuel Macron et les gilets jaunes sont les deux faces de la même médaille. Celle du ras-le-bol, de la volonté de changement, de la France qui en a marre. Cette France a majoritairement choisi la démocratie en 2017, mais celle qui a perdu dans les urnes veut aujourd’hui gagner dans la rue. La France qui n’a pas choisi Emmanuel Macron demande aujourd’hui sa démission.
Et le piège se referme sur la République, comme il s’était refermé jadis sur sa petite sœur de Weimar.
Les réseaux sociaux, espace d’expression de toutes les frustrations, des haines et des mensonges, nourrissent cette France de la peur du déclassement, de la précarité, cette France de l’autre côté du fossé social. Un fossé qu’elle ne se sent plus capable de traverser.
Cette France qui, depuis près de 20 ans, vote pour l’extrême-droite, puis ne vote même plus, déçue qu’elle est de la droite, de la gauche, qui ne tiennent pas leurs promesses.
Les chaînes d’information continue relaient en boucle les messages d’exaspération, les appels à la manifestation. Elles survalorisent, amplifient cette expression que l’on dit populaire ou citoyenne, avant que celle-ci ne finisse par se retourner également contre elles.
Créateurs de la première manifestation « réseaux sociaux », les initiateurs des gilets jaunes reconnaissent aujourd’hui être complètement dépassés par ce mouvement. Ils reconnaissent la prise en main de leur parole et de leur colère par des individus baroques qui demandent la démission du gouvernement et la nomination d’un général à la tête du pays, ou encore la récupération massive des partis d’opposition ou extrémistes. Ils reconnaissent être eux-mêmes victimes de menaces de mort, de cette violence qu’ils ont contribué à faire naître.
Les querelles politiciennes, qui viennent se rajouter pour dénoncer un complot du gouvernement, sont aussi ridicules que malsaines et montrent un cynisme absolu doublé d’un mépris de ceux qu’ils disent défendre, en cherchant à les manipuler grossièrement.
Quel choix devons-nous faire ?
Considérer que la France de 2017 vaut moins que celle de 2018 ?
Considérer que les réseaux sociaux, la rue et la violence sont les maîtres du pays ?
Pour moi le fils d’ouvrier, issu d’un milieu modeste, le choix est clair : poursuivre la transformation de notre pays par des politiques publiques qui mèneront à un nouveau modèle social et économique pérenne. Une France plus juste, plus inclusive, plus écologique. Une France de toutes les chances, des opportunités. Une France de l’espoir et de l’envie. Une France tournée vers les autres, ses forces, son avenir.
Si nous faisons le choix d’écouter les 48, nous faisons le choix de renoncer à tous les autres, nous faisons le choix de renoncer à la légitimité de l’élection, nous faisons un choix crucial qu’il nous faudra assumer maintenant et envers les générations futures : la fin de la démocratie !
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Éric Poulliat est député LREM de la Gironde.