Pourquoi les clubs de football français sont quasiment immortels
Quand la main droite de la FFF (Fédération Française de Football) oublie ce que fait sa main gauche, et se fait… taper sur les doigts.
Le football français est construit sur l’idée que ce que l’on appelle le « numéro d’affiliation » d’un club à la FFF, qui lui donne le droit de s’engager dans un championnat, ne peut être attribué qu’à une structure associative. Même lorsque le club concerné est professionnel et qu’il est constitué à la fois d’une société commerciale, de type SASP (Société Anonyme Sportive Professionnelle) ou SAOS (Société Anonyme à Objet Sportif), qui couvre sa pratique professionnelle, et d'une association, qui couvre sa pratique amateure.
L’idée centrale de ce système à deux étages est de permettre à un club de football de se survivre à lui-même, au travers de son association sportive, en cas de faillite de sa société commerciale.
Bien sûr, cet objectif pourrait être atteint par d’autres voies que celle imposée par notre législation. Mais l’incertitude que crée cette règle pour les actionnaires des clubs professionnels, à qui il est demandé d’investir sans posséder le « sésame » du numéro d’affiliation, est aujourd’hui allègrement contournée par des conventions privées, qui lient les clubs professionnels à « leurs » associations.
Une histoire corse
Les relations entre le club professionnel et « son » association était au cœur de la faillite du Sporting Club de Bastia (SCB), en 2017, et du très intéressant arrêt rendu par le Tribunal administratif de Paris, le 27 juillet dernier 2018. Un arrêt qui interroge sur le fonctionnement du football français, tel que pensé par la Fédération Française de Football (FFF).
Au départ, les faits sont simples. Le SCB est relégué en Ligue 2 à l’issue de la saison 2016/2017. Une mauvaise saison. Tellement mauvaise que, dans la foulée, le club corse est relégué de Ligue 2 en National 1, après une décision de la DNCG (Direction Nationale du Contrôle de Gestion), confirmée le 12 juillet 2017 en appel.
A partir de là, tout se précipite. Le 7 août, la SASP Sporting Club de Bastia et l’association Sporting Club de Bastia résilient la convention qui les lient, avant que la SASP ne se déclare en cessation de paiement. Le 14 août, la SASP informe par écrit la FFF de son refus de s’engager en championnat de National 1 et l’association Sporting Club de Bastia demande dans la foulée - à titre dérogatoire – le droit de jouer en National 3.
La FFF, par une décision en date du 16 août 2017, décide d’accéder à la demande de l’association. Mais, car il y a un mais, elle informe cette dernière qu’elle est désormais redevable de l’ensemble des dettes fédérales contractées par le club.
L’association refuse et forme un recours en conciliation devant le CNOSF, qui rejette sa position. Elle décide alors de former un recours devant le Tribunal administratif de Paris, qui lui donne raison. A juste titre.
Pas d’exception pour la FFF
Les juges rappellent, en effet, qu’aux termes de l’article L. 122-18 du Code du sport, lorsqu’une association sportive a constitué une société commerciale pour gérer la partie professionnelle du club, la société commerciale est tenue, en cas de difficultés financières de l’association, d’exécuter solidairement le plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire envisagé. Mais les juges notent, également, que cette solidarité financière n’est pas réciproque. Sinon les associations couleraient en même temps que les sociétés commerciales qui les portent. Ce qui serait contraire à l’objectif annoncé du système.
La FFF ne saurait donc se réserver une situation plus avantageuse que celle des autres créanciers de la société commerciale d’un club, en cas de liquidation judiciaire de cette dernière. Si elle détient une créance à son égard, il convient pour elle, comme pour les autres créanciers, d’en faire état auprès du liquidateur judiciaire et d’en attendre éventuellement le bon paiement. Ni plus, ni moins.
Autrement dit, la FFF n’est pas libre de changer les règles du football français quand ça l’arrange. C’est une simple question d’équité. Et dans le cas présent, une question de bon sens.
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Thierry Granturco est avocat aux barreaux de Paris et de Bruxelles.